Chapitre 8


Ambar


Ambar courait. Il avait mis ses sandales toutes neuves dans une poche de son abba et il ne faisait pratiquement aucun bruit. Il ne savait pas très bien ce que signifiait le salut du Noble Sire, mais il se sentait honoré.

Le danger ne l'effrayait pas trop. Ce n'est pas qu'il ne craignait pas les ghorrs, mais il était à peu près certain qu'on ne le verrait même pas. Depuis un an maintenant qu'il était livré à lui-même, il avait appris tous les stratagèmes de la rue. Il connaissait Aleth dans ses moindres recoins et il pouvait choisir entre une bonne dizaine d'itinéraires pour se rendre à la Tour des Bakhtars.

Depuis que ses parents étaient morts, le garçon avait survécu grâce à la générosité des gens du quartier. S'il avait été plus jeune, sans doute quelqu'un l'aurait-il adopté, mais à dix ans...

Il n'avait jamais manqué de nourriture. Cependant, le propriétaire de la petite maison où il avait vécu avec ses parents n'avait pas poussé la générosité jusqu'à le laisser y habiter gratuitement. Il dormait donc comme il pouvait, au hasard des quais. Contrairement à ce qu'auraient pu croire les Nobles Seigneurs qui l'envoyaient en mission, il n'avait pas pour habitude de mendier. En fait, la chose lui faisait honte et il n'avait pas vraiment besoin d'argent. Mais lorsqu'il avait vu ce personnage étrange dont les cheveux trop longs semblaient s'enflammer dans la lumière, il avait été pris sans savoir pourquoi d'une soudaine envie de le voir de plus près, de le toucher, et le seul prétexte qui lui soit venu à l'esprit était de lui demander de l'argent.

La suite avait ressemblé à l'un de ces contes merveilleux où la fortune sourit au héros au mépris de toute vraisemblance. D'abord, le Noble sire Niil l'avait désigné comme son Bienvenu. Puis il était allé chez le Marchand Batürlik qui non seulement lui avait fourni les vêtements qu'il portait maintenant, mais l'avait envoyé voir son cuisinier qui l'avait gavé de ce qu'il avait de meilleur. Et puis ce soir Karik, le garçon des ''Trois chopes'' l'avait retrouvé au Vieux Quai pour le ramener tambour battant auprès de ce Bienfaiteur qu'il croyait bien ne plus jamais revoir. Et voici que le Noble Fils des Ksantiris lui faisait l'honneur de lui confier une mission, et dangereuse encore ! Et maintenant, il était en route avec l'ordre de pénétrer dans cette merveille des merveilles : la Tour des Bakhtars !

Il trottait, longeant les murs. Il avait depuis longtemps laissé derrière lui les quartiers populaires du port. Il abordait la Grande Promenade, cette vaste avenue ombragée où Julien avait pour la première fois goûté à la douceneige. Sous les arbres, d'innombrables lanternes éclairaient une multitude d'étals où une foule joyeuse se pressait pour boire et s'amuser. Des bateleurs faisaient leurs tours ou leur numéros d'adresse. Des odeurs de cuisine et de pâtisserie se mêlaient à la musique pour composer un mélange excitant qui portait à rire. Quelques échoppes discrètes proposaient aussi des sortilèges et des potions préparés par des mages tous plus ''authentiques'' les uns que les autres et originaires, comme par hasard, de mondes lointains.

Pour Ambar, le seul problème était que son abba brun indiquait à tout le monde qu'il dépendait d'une Noble Famille, et un enfant bien élevé n'avait strictement rien à faire ici après la tombée de la nuit. Aussi, se glissant dans un coin d'ombre, il fit prestement passer le vêtement par-dessus sa tête et redevint instantanément le petit mendiant en pagne bleu qu'il était encore le matin même. Il fit un paquet serré de son abba et du hatik de Niil et s'avança hardiment parmi la foule en goguette.

Personne ne lui jetait un regard. Il aurait pu aussi bien avoir été protégé par un sort d'invisibilité. Il aperçut de loin deux autres enfants, comme lui, qui s'efforçaient de se faire offrir un repas ou une friandise. Ils faisaient partie du paysage et les bourgeois aisés qui venaient faire la fête dans la capitale les chassaient sans presque les voir, ainsi que des mouches importunes.

“ Hé, toi !

Il se retourna et constata avec effroi que c'était lui qu'on appelait ainsi. Un homme vêtu de bleu foncé lui faisait signe. Ils ne portait pas de Marques, mais ses vêtements étaient d'une étoffe de prix. Ses cheveux noirs étaient coupés très courts, ainsi qu'il convenait et, pour autant qu'on pouvait en juger à la lumière des lanternes, il avait le teint d'acajou sombre des natifs d'Yrcadia. Cette dernière constatation glaça le sang d'Ambar. Une légende voulait que certains des Guerriers d'Yrcadia soient capables de lire dans l'esprit de leurs adversaires et soient ainsi à même de prévoir une attaque avant même que l'autre n'ait fini de l'imaginer clairement. Bien sûr, ce n'était qu'une légende...

“ Oui, toi, insista l'homme, viens ici !

Ambar s'approcha. Il s'efforçait de se souvenir qu'il n'était rien d'autre qu'un petit mendiant, venu là dans l'espoir de récolter des miettes de ces bonnes choses qui s'étalaient tout autour de lui.

“ Noble Sire ?

Il n'avait pas à se forcer pour mettre dans sa voix un tremblement qui manifestait toute la crainte que pouvait inspirer à un gamin misérable un aussi puissant personnage. Ce dernier lui lança une pièce :

“ Va chez Doskar, là-bas, fit-il en désignant, à une centaine de pas, une buvette qui desservait quelques tables, et rapporte-moi un pichet de bière. Tu pourras garder la monnaie.

Ambar sentit ses genoux fléchir, il n'avait pas besoin de regarder la pièce, son poids indiquait clairement qu'il s'agissait d'un ngul tchenn de cent taleks, la plus grosse pièce d'argent avant le ser tchoung, la plus petite pièce d'or. Ce n'était pas un simple pourboire que le guerrier lui offrait là, c'était une invitation directe à partager son lit. En soi, la chose n'avait rien d'extraordinaire. Aleth comptait bon nombre de jeunes garçons pauvres qui usaient de ce moyen pour se procurer quelques revenus. Mais Ambar, sans doute parce qu'il était dans la rue depuis moins longtemps que beaucoup, n'avait jamais cédé à ce genre d'avances. De plus, la coutume voulait que ceux qui souhaitaient qu'on leur fasse ce genre de proposition le signalent discrètement d'un regard ou bien encore en laissant entrevoir, comme par mégarde, ce qu'ils avaient à proposer. D'une façon générale, il était inconvenant de faire des avances à un enfant qui ne les sollicitait pas et, plus encore, de se montrer insistant en cas de refus. Mais les guerriers d'Yrcadia n'étaient pas réputés pour leurs bonnes manières. Ils n'étaient pas non plus patients. Ils étaient dangereux, et leur résister était difficile pour n'importe qui et, à plus forte raison pour un minable garnement des rues dont personne n'irait prendre la défense. Tenter de fuir ne serait pas faire preuve d'intelligence. Le bon sens voulait qu'il accepte de suivre l'homme, mais il était aussi douloureusement conscient que, s'il pouvait à la rigueur s'accommoder, au nom du devoir, des désagréments éventuels qu'il aurait certainement à subir, il risquait de ne pas pouvoir mener à bien sa mission.

Il hocha la tête et partit au petit trot, se faufilant dans la foule jusqu'à l'échoppe. Le patron lui remit sans un mot un pichet de grès débordant et la somme assez considérable qui lui revenait. Le pot était lourd, encombrant, et dégoulinait de bière à l'odeur puissante ; le tenir en même temps que les vêtements roulés était impossible. La ceinture de son abba lui avait déjà servi à lier sommairement le paquet de vêtements ; avec les deux brins libres, il fit une boucle qu'il passa autour de son cou, rejetant les vêtements derrière son dos. Il s'en fut alors vers l'Yrcadien, en faisant bien attention à renverser le moins possible du breuvage. L'homme s'empara de la chope et en but une longue rasade.

“ C'est bien, tu en veux un peu ?

“ Euh... Merci, non, Noble Sire. Et... tenez, voici votre monnaie.

“ Je t'ai dit que tu pouvais la garder.

L'homme posa sa main sur l'épaule d'Ambar. Sa prise ferme signifiait sans l'ombre d'un doute qu'il n'avait pas l'intention de le laisser refuser ce que cela impliquait.

“ Tu ne vas tout-de-même pas refuser un cadeau ?

“ Non, Noble Sire.

“ J'aime mieux ça. Un instant, j'ai cru que tu ne me trouvais pas à ton goût.

Posément, il vida son pichet tout en laissant courir sa main sur les épaules du gamin alors que la foule autour d'eux vaquait à ses plaisirs, totalement indifférente à cette scène banale. Il insinua même, durant un instant, ses doigts calleux sous l'étoffe du pagne, éprouvant la fermeté veloutée d'un derrière qu'il paraissait trouver, lui, décidément de plus en plus à son goût. Lorsqu'il eut terminé sa bière, il entraîna Ambar jusqu'à l'étal de Doskar pour rendre la chope. Il n'était manifestement plus question de lâcher, même pour un instant, une proie aussi appétissante.


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L'homme louait un clos dans une des nombreuses auberges qui prospéraient dans les rues adjacentes à la Grande Promenade. L'endroit était propre et, bien que dépourvu de tout luxe superflu, disposait d'une petite salle d'eau privée. Comme il fallait s'y attendre, le patron du lieu ne fit aucun commentaire à propos du jeune invité de son hôte, se bornant à demander si le Noble Sire était satisfait de son installation et à lui souhaiter une très bonne nuit.

“ Enlève ton pagne. Et pose ton paquet sur le coffre. Qu'est-ce que tu trimbales là ?

“ Quelques vêtements, Noble sire. Et un peu d'argent.

Ambar avait choisi la meilleure façon de détourner l'attention de son redoutable ''client'' et se tenait devant lui, complètement nu, les mains couvrant modestement son sexe, vulnérable, soumis et effrayé comme il sied à un giton sans expérience.

“ Ôte tes mains, que je te voie. Mets-les sur tes hanches.

Ambar s'exécuta, accentuant sa gaucherie.

“ Tourne-toi...Tu n'as jamais fait ça, hein ?

“ Non, Noble sire.

Une lueur prédatrice sembla s'allumer dans le regard de l'homme.

“ Eh bien, tu vas avoir le privilège d'être initié par un véritable maître. Ton petit derrière s'en souviendra longtemps.

“ S'il vous plaît, Noble Sire. J'aimerais mieux pas.

Ambar n'avait pas à se forcer pour se monter terrorisé et laisser couler des larmes qui, loin d'attendrir son bourreau, agissaient au contraire comme un puissant aphrodisiaque.

“ Mais, tu n'as pas le choix. J'ai bien l'intention de prendre ce que j'ai payé.

Le fait que l'enfant n'ait pas souhaité conclure un tel marché ne semblait pas effleurer sa conscience. Si tant est qu'il ait encore la jouissance d'un tel article. Fébrilement, il se débarrassa de ses vêtement, dévoilant la vision impressionnante de son corps d'acajou entraîné pour le combat. Son vit dressé, s'il n'était pas particulièrement énorme, suffisait tout-de-même à inspirer de fortes inquiétudes à un Ambar dont l'anus n'avait jamais eu à subir de tels assauts. Malgré tout, il se serait résigné à son sort, si douloureux qu'il puisse être, s'il n'avait eu la certitude absolue que l'homme ne le laisserait pas partir avant le matin. Et qui savait ce qui pourrait advenir d'ici-là ? Il allait faillir à sa mission.

“ Allez, mon petit poisson, on va prendre une douche. On ne voudrait pas puer la sueur pour une si grande occasion, hein ?

C'est alors qu'il se laissait savonner et frotter sous la pluie tiède qu'Ambar sentit qu'une vague idée commençait à poindre au sein de l'angoisse. Son corps réagissait malgré lui aux attentions indiscrètes du guerrier et celui-ci, prenant son érection pour un signe évident de coopération, décida qu'il était temps de le faire participer activement à la fête.

“ Allez, à toi, maintenant. Ne sois pas timide, nettoie-moi bien partout. Après tout, c'est toi qui va en profiter, non ?

Ambar se força à émettre un petit rire et s'emparant du savon, entreprit de retourner les attentions dont il venait d'être l'objet. Il s'attarda longuement sur le vit, insistant sur le gland découvert jusqu'à ce qu'on lui ordonne de cesser. Puis, passant derrière l'homme, il fit progressivement glisser ses caresses jusqu'entre les fesses, s'attardant sur l'anus en une suite d'agaceries délicieuses pour venir ensuite masser le périnée et, saisir délicatement des deux mains les bourses pendantes. Ils fit rouler voluptueusement les œufs délicats entre ses doigts alors que les cuisses puissantes s'écartaient pour lui permettre de parvenir jusqu'à la base du pénis qu'il enserra un moment, pressant de l'index le tube de l'urètre, remontant jusqu'au frein sensible du prépuce qu'il caressa brièvement avant de revenir au sac souple des testicules qu'il tira alors violemment en arrière, poussant en même temps de toutes ses forces avec son front les reins de l'Yrcadien sans défense dont les pieds glissèrent avec un bel ensemble sur le sol savonneux. L'homme n'eut pas même le temps de hurler. Un choc sourd, suivi d'un relâchement immédiat de tous les muscles indiqua sans équivoque que le choc de la tête contre le marbre du mur avait eu l'effet souhaité.

Ambar ne s'attarda pas à contempler son œuvre. Le type saignait abondamment et restait immobile pour l'instant, mais il pouvait reprendre conscience d'un moment à l'autre. Il se sécha sommairement, remit son pagne,récupéra son paquet et quitta l'auberge après avoir échangé un salut poli avec le patron.


Il fit appel à tout ce qui lui restait de maîtrise malgré le contrecoup des émotions violentes des dernières minutes et parvint à cheminer sans courir jusqu'au bout

de la Grande Promenade. Là, il s'engagea dans le dédale des parcs privés qu'il devrait traverser pour parvenir à la Tour des Bakhtars.


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Une fois dans les allées, il se mit à courir au petit trot. Un éclairage minimal entretenait une pénombre que dissiperait bientôt la lune, mais pour l'instant, cet endroit plutôt agréable de jour, avec ses buissons fleuris et ses arbres sélectionnés, n'avait rien de très rassurant. Ambar ne pouvait s'empêcher de penser à la faune qui hantait le sous-bois. Il avait déjà vu les énormes scolopendres, avec leurs centaines de pattes et les épines venimeuses qui parsemaient leur corps blindé de plaques de chitine. Ces horreurs n'étaient pas mortelles, mais leur venin était si douloureux qu'il vous paralysait durant une dizaine d'effroyables secondes avant de provoquer l'enflure violacée du membre atteint. Il y avait aussi les gleks, sortes de gros rats tout à fait capables, lorsqu'on es dérangeait, d'infliger des morsures profondes qui s'infectaient souvent.

Sans doute, il était venu à bout d'un redoutable guerrier d'Yrcadia, mais il n'avait pas vraiment réalisé le danger qu'il avait bravé. Il avait eu beaucoup de chance d'assommer ainsi son adversaire et peut-être n'aurait-il pas pris un tel risque s'il avait eu le temps de réfléchir aux conséquences d'un échec. Mais ici, dans ce bois enténébré, à demi-hypnotisé par le rythme régulier de sa course, son imagination survoltée avait une fâcheuse tendance à échapper à tout contrôle et il ne pouvait s'empêcher d'évoquer, malgré lui, tous les monstres qui se cachent dans le noir et qui guettent les petits garçons.

En fait, cette demi-heure dans ce qui n'était jamais qu'un vaste parc aménagé fut certainement la partie la plus terrible de sa mission, une lutte avec ses propres démons, ses terreurs les plus secrètes, un combat dont personne, jamais, ne le féliciterait.

Quel Homère chanterait un héros combattant les chimères d'un esprit d'enfant ?


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Chapitre 9


Nardouk


Lorsqu'il parvint enfin au pied de l'immense tour dont les flancs luisaient doucement d'un éclat ambré, Ambar se dirigea tout droit vers l'escalier monumental de l'entrée principale. Se dressant de toute sa petit taille, mettant dans sa voix aiguë toute l'autorité dont l'avait investi Izkya, il déclara :

“ Honorable Gardien ! La Noble Fille Izkya m'envoie porter un message au Noble Sire Nardouk. Elle insiste pour qu'il lui soit transmis tout de suite. Si le Noble Sire Nardouk n'est pas ici, elle exige qu'on me conduise devant le Premier Sire.”

Le gardien, qui avait écouté cette tirade avec la bouche grande ouverte, la referma avec un claquement qui résonna dans le silence de la nuit. Ambar aurait éclaté de rire si la situation n'avait pas été aussi grave. Visiblement, le colosse avait été recruté plus pour ses muscles que pour sa cervelle.

“ Tu veux que j'appelle le Noble Sire Nardouk ?”

“ Oui.”

“ Il ne se dérange pas pour un mendiant.”

“ Alors, menez-moi à lui.”

“ C'est interdit.”

“ La Noble Fille Izkya dit aussi quelle fera envoyer sur Tandil celui qui causerait un retard. Ce hatik devrait suffire à vous convaincre. Et, d'un geste théâtral, il dénoua le paquet de vêtements et en tira la tunique bleu nuit de Niil. Vous voulez aller sur Tandil ?”

Le géant leva une main menaçante.

“ Si ton père ne t'a pas appris à être poli, je vais t'apprendre, moi je vais m'en charger !”

Ambar ne broncha pas. Il ne cligna même pas les paupières.

“ Touchez-moi, et c'est à la Noble Fille que vous donnerez une leçon ! Vous ne savez pas reconnaître un hatik ? Non, évidemment. Mais même un aveugle verrait que je n'ai pas trouvé une telle merveille dans le ruisseau !”

Le gardien avait retenu la gifle qu'il s'apprêtait à lui envoyer, mais toute son attitude montrait qu'il n'avait aucune intention de se laisser donner des ordres par un morveux inconnu. La situation aurait pu rester longtemps bloquée si un autre gardien, posté à quelque distance et alerté par les éclats de la voix aiguë d'Ambar, n'avait décidé de venir aux nouvelles.

“ Qu'est-ce qui se passe, Barogh ? Des ennuis ?”

“ Non, c'est juste un gamin qui réclame une correction.”

Ambar saisit sa chance et se tourna vers le nouveau venu.

“ Honorable gardien, je suis Ambar, fils d'Aliya, du Quai aux Fruits, le messager de la Noble Fille Izkya et votre collègue, là, veut m'empêcher de remplir ma mission !”

“ Cette vermine veut que j'appelle le Noble Sire Nardouk, rien que ça ! Et en plus, il me menace de m'envoyer sur Tandil !”

“ C'est ce qui va lui arriver, s'il me retarde encore ! S'écria Ambar excédé, la Noble Fille me l'a dit elle-même.”

“ C'est effectivement assez dans son caractère... Je pense que tu dis vrai. Je vais prendre le risque de faire appeler le Noble Sire Nardouk. Et c'est toi, petit, qui te retrouveras sur Tandil si jamais tu as menti.”

“ Tu es fou Askil ! S'indigna son collègue, le Noble Sire va t'écorcher vif si tu le déranges pour rien!”

“ Tant pis. Et si c'est bien la Noble Fille qui l'envoie, c'est qu'elle a une excellente raison pour le faire. Et se tournant de nouveau vers Ambar : je suppose que tu ne voudras pas me dire en quoi consiste le message ?”

“ Honorable Gardien, j'ai ordre de ne parler qu'au Noble Sire Nardouk ou au Premier sire en personne.”

“ Eh bien, suis-moi.”

Sur quoi il entraîna Ambar dans un hall où un régiment aurait pu manœuvrer à l'aise. L'endroit était brillamment illuminé et les murs de marbre blanc étaient décorés de grandes fresques représentant des paysages des Terres de Frühl. Il le planta là, au beau milieu de toute cette splendeur et s'en fut au petit trot par une porte à l'extrémité de la salle.


Il revint bientôt, accompagné d'un personnage d'une cinquantaine d'années, vêtu d'une robe noire, sans aucun ornement. Toute sa personne irradiait le pouvoir et l'autorité. Faisant signe au garde de s'arrêter, il s'avança seul jusqu'à Ambar qui avait toute les peines du monde à ne pas baisser les yeux devant un tel personnage.

“ Ainsi, tu exiges de me voir, Ambar, fils d'Aliya.”

Sa voix grave résonnait et semblait emplir tout l'espace pourtant énorme du hall de cérémonie.

“ Noble Sire, je n'exige rien. C'est la Noble Fille Izkya qui m'a ordonné de ne parler qu'à vous seul. Elle m'a remis ce hatik pour prouver que je dis la vérité.”

Ambar s'empressa de présenter la tunique, la tendant à deux mains au Seigneur qui, les mains derrière le dos, l'observait de ses yeux gris sous des sourcils en bataille aussi argentés que ses cheveux. Il s'en saisit et déclara :

“ Ce n'est pas le hatik de la noble Fille.”

“ Non, Seigneur, c'est le hatik de mon Bienfaiteur, le Noble Sire Niil, des Ksantiris.”

“ En effet. Maintenant, Ambar, je t'écoute.”


Et Ambar raconta son histoire. Il le fit dans le désordre, pressé qu'il était de dire combien ses amis avaient besoin d'un secours immédiat. Mais le Sire Nardouk, tout puissant qu'il était, savait aussi se monter patient et, à force de questions, il tira de l'enfant tout ce qu'il savait et même certains renseignements qu'il ne croyait pas posséder. C'était aussi quelqu'un qui avait l'habitude de juger les hommes, et ce qu'il voyait lui plaisait énormément.

“ Ambar, Bienvenu de Niil, Fils Troisième des Ksantiris, dit-il enfin, je voudrais que tu remettes l'abba de ton Bienfaiteur. Tu es un garçon plein de courage et de ressources, tu es ici chez toi et il ne convient pas que tu ailles comme un mendiant dans ta maison.”


Lorsqu'Ambar eut retrouvé une tenue décente et enfilé ses sandales neuves, Nardouk le fit asseoir à côté de lui sur un des bancs de pierre qui couraient le long des murs.

“ Maintenant, tu vas me redire précisément où ils se sont cachés pour attendre les secours.”

“ Noble Sire, je vous montrerai quand on arrivera, c'est plus facile.”

“ Ambar, je n'ai pas l'intention de t'emmener dans cette expédition. Nous risquons de devoir affronter des ghorrs. C'est déjà un miracle que tu sois arrivé jusqu'à moi. Je veux que tu restes ici jusqu'à ce que tout ça soit terminé. Explique-moi précisément où ils sont et ne perds pas de temps à essayer de me convaincre de t'emmener.”


Il était évident que le Noble Sire ne changerait pas d'avis, aussi Ambar s'appliqua-t-il à décrire de son mieux ce quai qu'il connaissait si bien et le lieu où il avait laissé ses amis moins de deux heures auparavant. Lorsqu'il eut terminé, toute la fatigue de la nuit le rattrapa d'un coup et il ne put retenir un bâillement. Malgré la gravité de la situation, Nardouk ne put s'empêcher de rire gentiment et de remarquer :

“ Je crois qu'il est grand temps que notre héroïque messager aille se coucher. L'Honorable Askil va te conduire aux quartiers des gardiens et veillera à ce que tu sois confortablement installé. Tu as fait ta part. À moi maintenant de faire la mienne.” Se tournant vers le gardien, il ajouta :“ Gardien,tu es responsable de la sécurité de cet enfant. Le Premier Sire voudra le voir demain.”

Sur quoi, Nardouk se leva et s'en fut, laissant un Ambar prêt à s'endormir aux bons soins du gardien.


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