Chapitre 27


Contraintes


Finalement, Julien se résolut à demander à l'enfant :

“Alors, qu'est ce que tu en penses, toi, de tout ça ?

“Sire...

“Ambar, si tu recommences à me donner du Noble Sire, je te tire les oreilles jusqu'à pouvoir te les nouer sous le menton !

Mais au lieu du rire attendu, Ambar éclata en sanglots, comme l'enfant qu'il était, sous la réprimande injuste d'un adulte. ? Julien commençait à pressentir que la situation allait commencer à devenir difficile.

“Ambar, viens ici.

Julien lui tendit une serviette:

“Mouche ton nez.

Ambar se moucha bruyamment et Julien, malgré un peu de résistance, le prit sur ses genoux et l'entoura de ses bras.

“Voilà, maintenant écoute-moi bien. Je crois vraiment que Tannder se trompe. Mais, même s'il avait raison, qu'est-ce que ça pourrait faire, hein ? Je suis toujours le même. Je ne veux pas que tu aies peur de moi.

Ambar hocha la tête en reniflant.

“Je ne sais pas qui c'est, ce Yulmir, mais si c'est un type terrible que tout le monde doit approcher en tremblant, ça ne m'intéresse pas d'être lui. De toute façon, tu es mon ami, et Niil aussi. Et même si on me met une couronne sur la tête, ça n'y changera rien. Tu me crois ?

De nouveau, Ambar hocha la tête.

“S'il te plaît Ambar, parle, dis-moi que tu me crois.

“Je te crois, Julien. Il faut que je m'habitue.

“Tu auras tout le temps que tu voudras. Pour moi, c'est pareil, tu sais. Tout le monde rêve d'être roi, ou un héros, quelque chose d'extraordinaire. Mais là, maintenant que ça m'arrive, je ne suis plus très sûr d'en avoir envie.

Comme Ambar ne trouvait rien à répondre, Julien se contenta de le bercer sur ses genoux tout en respirant l'odeur suave de ses cheveux ras. Peu à peu, le gamin se détendait, se laissait aller contre celui qui redevenait simplement son ami. Il eut même un petit rire lorsqu'après un moment, il sentit contre son postérieur la caresse indiscrète de l'érection de Julien.

“Ben oui, qu'est-ce que tu veux, expliqua ce dernier, j'ai retrouvé toutes mes forces, maintenant. Tu crois qu'on aurait le temps de soulager ça ?

“Ça m'étonnerait. Les autres vont sûrement revenir bientôt. Et puis, Il y a Xarax, autour de ton cou.

“Xarax dort. De toute façon, je crois que ça lui serait égal. Mais tu as raison, il faut que je fasse semblant d'être sérieux. Dommage...

Il avait laissé sa main glisser jusque dans le giron d'Ambar et y avait rencontré, sans surprise une bosse qu'il serra un moment avant de la relâcher avec un soupir de regret.

“Bon, je crois qu'on va devoir se montrer raisonnables.

Il le fit descendre de ses genoux. Avant de regagner son siège, Ambar le surprit en lui tendant sa joue pour qu'il y dépose un baiser.


oo0oo


Finalement, il s'écoula près d'une heure avant que le Premier Sire ne se présente, accompagné seulement de Niil et de Tannder. Sans doute avait-on laissé ce délai à Julien afin de lui permettre de se faire à sa nouvelle condition.

“Julien, Tannder m'a fait part de ce qu'il vient de découvrir. La chose est extraordinaire, mais j'incline à lui donner raison. Il semble bien que vous soyez, en fait, l'Empereur lui-même qui nous revient après une trop longue absence. Bien des choses demeurent encore obscures, et nous savons que vous n'avez aucun souvenir de votre vie passée, mais nous avons une idée de ce qui vous est arrivé. Sans doute serait-il souhaitable que je vous en informe.

“Je vous remercie, mais je crois vraiment que Tannder se trompe.

“Je suis certain du contraire. J'imagine ce que cela peut avoir de dérangeant pour vous, mais je ne doute pas une seconde que vous soyez celui que nous n'espérions plus revoir. Laissez-moi vous conter ce que nous savons. Vous jugerez ensuite par vous-même.

Julien hocha la tête. Il voulait bien écouter, même si au fond, il doutait fort d'être convaincu par ce qu'il allait entendre.

“D'après ce que nous avons pu reconstituer des événements, il y a un peu plus de treize cycles, l'Empereur Yulmir a activé l'un des klirks du Palais. Quelque chose s'est produit et il n'est jamais arrivé à destination. De plus, les Maîtres Passeurs ont immédiatement averti les Neuf Miroirs de l'Empereur que quelque chose avait violemment perturbé le tissu de l'univers. C'est d'ailleurs en essayant de prévenir l'Empereur que nous nous sommes aperçus qu'il était impossible de le trouver. Et c'est lorsque nous avons décidé d'une réunion des principaux dignitaires du R'hinz au Palais que nous avons compris qu'il se passait quelque chose de plus grave encore que ce que nous avions pu imaginer. Et là, alors que nous nous efforcions de comprendre, le Palais a été envahi par des assassins. Nous avons dû nous battre et bien des guerriers de valeur ont péri ce jour-là. Nous avons quand même repoussé nos agresseurs, mais il a été décidé que le Palais resterait condamné, à part une salle, fortement gardée, réservée aux réunions des Miroirs de l'Empereur. Tous les klirks du Palais ont été désactivés par la Guilde des Passeurs sauf quelques-uns, indispensables et bien gardés pour empêcher l'arrivée de nouveaux intrus.

“On dirait qu'ils ont oublié quelque chose. Sans ça, je ne vois pas comment ceux qui nous ont attaqués auraient pu entrer.

“Nous ne savons pas comment quelqu'un a pu s'introduire dans le Palais. Aucune alarme n'a fonctionné. C'est pour cela que la Garde n'est pas intervenue avant notre arrivée. Si quelqu'un a trahi, nous le trouverons. Pour en revenir à l'époque de votre disparition, il a aussi été décidé de la garder secrète afin d'éviter les désordres et la panique.

“Et les gens ne se sont rendu compte de rien ?

“L'Empereur gouverne par l'intermédiaire de ses Miroirs. Il y en a un par Monde. Même lorsqu'il est présent, très peu de personnes sont amenées à le rencontrer.

“À quoi est-ce qu'il sert,alors ?

“C'est difficile à expliquer en quelques phrases, mais on peut dire qu'il est le garant de l'unité du R'hinz.

“Vous voulez dire que tout le monde est d'accord pour qu'il soit le chef ?

“C'est beaucoup plus profond que cela. L'Empereur est la clé de la transmission de tous les Dons et Pouvoirs. Sans lui, toutes les forces qui nous permettent de maîtriser ce monde, tous les talents particuliers, comme ceux des Passeurs ou des Maîtres des Arts Majeurs, se perdraient peu à peu faute d'être transmis.

“Je ne comprends pas très bien. Il y a longtemps que l'Empereur est parti, et on dirait que votre monde continue de marcher correctement.

“En apparence, oui. Mais nous avons eu de la chance qu'aucun des Grands Maîtres-Détenteurs d'une guilde majeure ne soit mort durant cette absence. Pour vous donner un exemple : si le Premier Grand Maître des Passeurs venait à mourir demain, plus aucun nouveau Passeur ne pourrait être formé jusqu'à ce qu'un nouveau Premier Grand Maître ait reçu de l'Empereur le pouvoir de transmettre le Don de Passeur. Si l'Empereur n'était plus là pour donner ce pouvoir, après quelques dizaines de cycles tout au plus, il n'y aurait plus un seul Passeur dans les Neuf Mondes. Notre civilisation n'y résisterait pas.

“Mais si je suis bien cet empereur dont vous parlez, vous n'êtes pas plus avancé. Moi, je n'ai aucun pouvoir. Je ne sais même pas de quoi vous parlez !

“Ce qui est réellement important, ce n'est pas ce que vous savez, ou ce dont vous vous souvenez, c'est ce que vous êtes. Bien sûr, vous ne sauriez pas comment transmettre le Pouvoir de Guérison, mais vous portez en vous la capacité de le faire. Il vous suffirait de réapprendre. Ce qui vous rend si précieux, c'est que vous êtes la seule personne, dans tout l'Univers connu, à pouvoir le faire.

Pendant le silence qui suivit, Julien réalisa avec un choc ce que cela signifiait. Sa voix tremblait légèrement lorsqu'il reprit :

“Alors, ça veut dire que vous n'allez pas me laisser rentrer chez moi ?

“Il ne serait pas sage, en effet, de risquer de vous perdre à nouveau.

“Vous allez me garder prisonnier ?

“Julien, je me suis mal fait comprendre. Nul, ni moi, ni personne d'autre, n'a le pouvoir d'imposer quoi que ce soit à l'Empereur du R'hinz. Si vous me demandez ce qu'il convient de faire, mon devoir est de vous donner le conseil que je pense le meilleur pour les Neuf Mondes. Mais si vous décidez de ne pas tenir compte des mes avis, personne, encore une fois, ne tentera de s'opposer à vos décisions.

“Ça veut dire que c'est moi, finalement, qui serai responsable de ce qui arrivera aux Neuf Mondes ?

“Même l'Empereur n' a pas un tel pouvoir qu'il puisse être tenu pour responsable de tout ce qui se produit dans l'univers. Cependant, un grand nombre de choses dépendent de son jugement et de sa volonté. Et pour répondre à votre question, oui, vous êtes dès à présent responsable de la destinée des Neuf Mondes.

“Mais je ne veux pas ! Je n'ai rien demandé !

“Certes, mais c'est ainsi, et nous n'y pouvons rien. Croyez-moi, s'il existait un moyen de faire que cette charge ne repose pas sur vous, nous l'aurions déjà employé.

“Mais ça n'est pas juste !

“Non, ça n'est pas juste, et j'en suis sincèrement désolé pour vous. Mais croyez-vous que nous trouvions la chose équitable ? Avec tout le respect qui vous est dû, nous serions infiniment plus rassurés si notre Empereur nous était revenu tel qu'il nous a quittés et non pas comme...

Le Premier sire se tut. À quoi bon, en effet, faire remarquer à Julien qu'il n'était qu'un gamin ignorant, dépourvu même des connaissances élémentaires indispensables à sa simple survie dans un monde auquel il était étranger ? À quoi servirait-il de lui dire que son arrivée posait autant de problèmes qu'elle en résolvait ?

“Vous pouvez bien le dire, allez... je n'ai rien d'un empereur. Je ne suis qu'un gamin. Je ne fais pas le poids. Et vous êtes bien embêté.

C'était vrai, le R'hinz était à la merci d'un enfant. Et cet enfant, pour l'instant complètement perdu, n'allait pas tarder à se rendre compte qu'il disposait de pouvoirs et d'une puissance qui lui permettraient d'agir très exactement selon son bon plaisir. Pour l'heure, ces pouvoirs étaient endormis, tapis tout au fond de lui, là où il lui était encore extrêmement difficile d'y faire appel. Mais il n'en serait pas toujours ainsi. Qui pouvait prévoir ce qui se passerait lorsqu'il prendrait conscience de sa force ? Il y avait de quoi être inquiet et, si l'on y réfléchissait bien, on pouvait même être absolument terrifié. Pourtant le Premier Sire ne pouvait s'empêcher d'espérer. Il voulait croire que ce garçon étrange représentait l'espoir, plutôt que la menace d'une catastrophe.

“Julien, je suis inquiet, c'est vrai. Mais, quoi que vous disiez, quelle que soit aujourd'hui votre apparence, vous êtes mon Empereur, et mon Empereur n'a jamais failli, tout au long des milliers de cycles de son règne.

“Merci. Je ne suis toujours pas sûr d'être celui que vous dites, mais je vous promets d'essayer de ne pas faire de bêtises.

“Je vous supplie aussi de me laisser vous protéger. Car vous êtes en danger. Ce n'était pas à ma fille qu'on en voulait l'autre nuit. Il semble que votre retour soit connu d'un ennemi puissant et qui n'hésite pas à recourir aux moyens les plus abjects. Il est probable qu'il s'agit des mêmes qui ont organisé l'attaque du Palais il y a treize cycles. Il serait préférable, pour l'instant, que vous ne sortiez pas de cette tour.

Julien soupira. Décidément, l'heure n'était pas aux bonnes nouvelles. Voilà maintenant qu'il devait se cacher pour échapper à une bande d'assassins ! L'espoir de revoir bientôt ses parents s'amenuisait d'instant en instant. Ils devaient être fous d'inquiétude et remuer ciel et terre pour le retrouver.

“Bon, et d'après vous, qu'est-ce que je dois faire maintenant ?

“Il faut commencer à vous habituer à votre nouvelle condition. Et tout d'abord, vous devez m'appeler Aldegard et non Premier Sire. Vous êtes l'Empereur et nul n'a préséance sur vous. Dès que cela sera possible, vous rencontrerez vos Miroirs. Il faudra sans doute quelques jours pour organiser la réunion.

“Sire... Aldegard, s'il n'y a rien de vraiment urgent à faire, j'aimerais bien rester ici ce soir avec Niil et Ambar. J'ai besoin de parler avec eux, d'être un peu tranquille ; en famille, quoi.

“Je comprends. Il y a aussi la question de la transmission des Marques pour le jeune Ambar. La règle voudrait qu'elle se fît ce soir, avec l'aide d'un Maître des Traditions et en présence de trois témoins. Mais étant données les circonstances, la chose peut sans doute attendre.

“Sans vouloir vous offenser, Aldegard, je préférerais qu'on n'attende pas. Est-ce que je peux être un des trois témoins ?

Un silence gêné s'établit durant quelques instants.

“Eh bien ? J'ai dit une bêtise ?

“Non, Julien, mais cela impliquerait, d'une certaine façon, qu'Ambar soit lié à la Maison Impériale.

“Et alors ? Je ne vois pas ce que ça a de choquant. Ambar est un garçon très bien. Même Xarax me l'a dit, et je crois qu'il s'y connaît pour juger les gens. D'ailleurs, il n'a pas hésité à lui demander sa protection.

C'est tout à fait vrai. Tu as raison de vouloir te l'attacher.

Xarax ne dormait pas ! Depuis combien de temps écoutait-il comme une sentinelle discrète ? Mais on ne pouvait lui en vouloir. Julien se dit que ce compagnon bizarre avait de fortes chances d'être rapidement au courant des moindres aspects de son existence. Pour l'heure, il ne laissa rien paraître alors qu'il écoutait poliment la réponse du Premier Sire.

“Je ne doute pas de la valeur du jeune Ambar, mais je sais que la chose déplaira à certains. Qu'un sans-famille soit brutalement élevé à une dignité qu'ils ne peuvent espérer jamais atteindre...

“Vous-même, Aldegard, qu'est-ce que vous en pensez ? Je ne voudrais pas commencer à faire des bêtises.

“Si vous faisiez cela, je serais jaloux de l'honneur qui lui serait accordé. Je me dirais qu'il n'en est pas digne et qu'il est injuste de l'honorer par-dessus les plus nobles Maisons. Puis je réfléchirais et je finirais par me réjouir que mon Empereur attache plus d'importance à ce que lui dicte son cœur qu'à ce qu'imposent les convenances. En d'autres termes, Julien, faites comme vous l'entendez et laissez les jaloux se ronger les entrailles !

“Très bien. Est-ce que vous pouvez veiller à ce que cela se fasse ce soir, comme prévu ?

“J'y veillerai, Sire. Maintenant, nous allons nous retirer et vous laisser à vos ablutions

“Merci, Aldegard, mais laissez mes amis avec moi, s'il vous plaît. J'ai vraiment besoin d'eux.


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Chapitre 28


Dans l'intimité


Les enfants se retrouvèrent seuls en compagnie de Tannder qui s'affairait déjà à remplir le grand bassin de la salle d'eau. Ils se regardèrent un moment en silence. Julien soupira : il se passerait sans doute quelque temps avant que ses compagnons ne se décident de nouveau à parler avant lui.

“Ben quoi, vous allez me regarder longtemps comme ça ? Qu'est-ce qu'il y a? Il vient de me pousser des cornes?

Niil eut un petit rire désabusé :

“Oh non ! Tu es tout à fait normal, avec ton collier en haptir et du sang partout. Je ne vois vraiment pas ce que tu pourrais avoir de bizarre.

“Remarque, renchérit Ambar qui retrouvait sa langue, il est joli, maintenant, Xarax, il a retrouvé ses couleurs. Je suis sûr que tu vas avoir un succès fou. Tout le monde va vouloir... Oh ! Pardon.

Xarax avait ouvert les yeux et dardait son regard rouge sur l'insolent en découvrant ses dents en une sorte de sourire reptilien rien moins que rassurant.

Xarax va laisser son ami. L'enfant Ambar n'a rien à craindre. Xarax sait qu'il ne se moque pas vraiment.

Sur quoi le haptir, quittant d'un bond l'épaule de Julien, s'en fut s'installer à son aise sur un coffre.

“Il est fâché ? S'enquit Ambar d'une voix pas très assurée.

“Non, je crois qu'il comprend la plaisanterie. Je pense aussi qu'il n'aime pas tellement les bains et qu'il préfère me quitter avant que je ne passe sous la douche.

“Hum... Sire Niil, peut-être voudrez-vous vous restaurer pendant que Julien se préparera pour la cérémonie. Si elle doit avoir lieu à l'heure prévue, il n'y a pas de temps à perdre.

Tannder, avec sa discrétion coutumière, venait de les informer qu'il n'était pas question de laisser dégénérer les ablutions en une petite orgie.

“Julien, continua-t-il, voulez-vous que je vous assiste, ou Sire Ambar se chargera-t-il de vous frotter le dos ?

“Je crois qu'Ambar ne me refusera pas ce service, merci Tannder.

“Bien, si l'on n'a plus besoin de moi, je vais quérir les vêtements de cérémonie. Je n'en aurai pas pour longtemps.


Pendant que Niil se jetait sur la nourriture, Ambar et Julien se dévêtirent. Tannder, à sa façon très diplomatique, avait certes été on ne peut plus clair sur la nécessité de ne pas s'attarder, et Julien n'avait pas l'intention de faire autre chose que se laver. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est le véritable choc qu'il reçut à la vision d'Ambar se débarrassant de son laï blanc.


Le vêtement, tiré doucement vers le haut découvrait le petit corps bronzé, parfait, et qui incitait assurément aux caresses. Mais ce qu'éprouvait Julien n'avait plus qu'un lointain rapport avec la simple excitation sexuelle. Pour la première fois de son existence, il faisait l'expérience de la beauté. C'était comme si un œil jusque là clos s'ouvrait soudain dans son esprit. Il avait déjà vu Ambar tout nu et cette vision l'avait troublé et excité au point de le pousser à des jeux délicieux. Mais jamais il ne s'était rendu compte qu'il était BEAU. C'était un voile d'ignorance qui se déchirait et il prenait conscience que, toute sa vie, ce voile lui avait dissimulé ce qui avait le plus de valeur. Il avait souvent dit ''c'est beau'' à propos d'un tas de choses, mais ces mots, il s'en rendait compte maintenant, étaient vides de sens. Et jamais, avant cet instant, il ne lui serait venu l'idée de les prononcer à propos d'un de ses camarades. Pendant quelques secondes, complètement perdu dans la contemplation de ce miracle, il fut incapable de bouger puis, revenant à la réalité, il se reprit et termina de se déshabiller. Avec une sensation étrange au creux de l'estomac, et qui envahissait aussi son sexe pourtant au repos, une sensation comme il lui était arrivé d'en éprouver sur une balançoire, ou au bord d'une falaise, il rejoignit l'enfant sous l'eau tiède qui ruisselait.

Ambar, complètement inconscient des bouleversements qu'il provoquait, s'appliqua à remplir consciencieusement son rôle et entreprit de savonner Julien.

“Oh dis donc ! Ton bleu est devenu de toutes les couleurs !

En effet, l'énorme ecchymose offrait une impressionnante gamme de nuances allant du violet presque noir, au jaune verdâtre évocateur de chairs décomposées.

“Ça te fait mal ?

“Si tu ne frottes pas trop fort, non. Le médicament des Maîtres de Santé fait vraiment de l'effet.

Julien se laissait faire. Évidemment, être manipulé ainsi par des mains qui n'étaient pas les siennes lui faisait de l'effet. D'autant qu'Ambar poussait l'amour du travail bien fait à un degré proche de l'obsession, n'hésitant pas à explorer jusqu'au moindre recoin afin de s'assurer que tout était absolument propre. Et lorsque ses doigts savonneux et glissants insistèrent un moment sur son anus, il eut même un instant de panique à l'idée qu'on envisageait peut-être de le nettoyer aussi à l'intérieur ! Mais la panique céda bientôt la place à un plaisir encore insoupçonné. Qu'on pût ressentir du plaisir à être caressé ! L'idée lui eût paru absolument ridicule une semaine auparavant.

Et Ambar ne s'en tenait pas là. Poursuivant sa progression entre les jambes de Julien, sa main vint saisir délicatement ses bourses pour les ''savonner'' en les malaxant avec un mélange de précaution et de fermeté alors que son poignet, pressé contre le périnée de sa victime consentante, continuait à masser un orifice qui s'épanouissait littéralement. Lorsque l'autre main d'Ambar vint enserrer sa verge, il eut beaucoup de difficulté à ne pas s'abandonner l'explosion immédiate que ce seul contact menaçait de provoquer. Il eut une bruyante inspiration. Il comprenait parfaitement comment l'Yrcadien qu'Ambar avait estourbi avait pu se laisser prendre !


“Ambar !... Laisse-le un peu souffler. Je sais bien qu'on n'a pas le temps, mais quand-même !

Niil se tenait là, à l'entrée de la douche. Tout nu, lui aussi et l'air réjoui.

“Allez, poursuivit-il, sois un bon garçon, laisse-moi m'occuper du devant.


Niil, ayant arrêté la douche, entreprit de savonner Julien du haut en bas puis, une fois satisfait du résultat, il vint se coller à lui dans une étreinte glissante, s'efforçant de maintenir entre leur sexes un contact impossible à contrôler vraiment. Leurs verges roulaient et s'échappaient, leurs glands dénudés pressés quelques secondes l'un sur l'autre se fuyant désespérément entre leurs ventres pressés alors qu'Ambar étendait à ce nouveau partenaire son massage spécial, caressant, malaxant, pressant indifféremment les testicules de l'un et de l'autre.


Toute l'affaire ne dura guère, mais l'orgasme partagé qui en résulta fut extrêmement satisfaisant et il s'écoula un bon moment avant que Niil ne pense à faire bénéficier Ambar de son art consommé de la masturbation.


Dans le bassin Julien baignait encore dans une brume satisfaite qui laissait progressivement place à une torpeur bienheureuse, lorsque Tannder signala son retour dans le clos. Il était temps de se sécher.


Puis, alors que Niil et Ambar revêtaient le lakh gris bordé de rouge des Ksantiris, Julien reçut des mains de Tannder un vêtement où l'or et le rose fuchsia formaient des motifs abstraits.

“Il faut vraiment que je mette ça ?

“Assurément, c'est un lakh de demi-cérémonie qui convient à ce qui vous attend ce soir.

“Mais c'est rose et doré ! Je vais avoir l'air de quoi ?!

“Il me semble que vous considérez cette tenue comme... ne seyant pas à votre virilité ?

“Pardon ?

“Vous trouvez que ce n'est pas un vêtement pour un garçon. C'est cela ?

“Ben oui ! Là d'où je viens, il n'y a que les bonnes f... , les dames qui s'habillent comme ça !

Tannder réprima un sourire.

“Julien, considérez qu'ici, sur les Neuf Mondes, seul l'Empereur, c'est à dire vous, porte ces couleurs. Il y a à cela de nombreuses raisons, symboliques et historiques, mais peut-être préférez-vous que je remette les explications à plus tard ?

“C'est ça Tannder, remettez, remettez...

Il enfila le vêtement et se planta devant un miroir. Il faut dire que le résultat était d'autant plus flamboyant que ses cheveux paraissaient avoir été teints tout spécialement pour former avec l'ensemble un mélange du mauvais goût le plus choquant. Il fit une grimace désolée qui plongea Ambar dans un incontrôlable fou-rire. Pour couronner le tout, Tannder revint à la charge :

“Euh... Il conviendrait aussi de réduire la longueur de votre chevelure.

“Tannder ! Vous voulez me raser le crâne ?!

“Une mesure aussi extrême ne sera pas nécessaire. Les cheveux d'Ambar, par exemple, sont à la bonne longueur.

Ambar n'avait sur la tête qu'un velours blond de quatre ou cinq millimètres !

“Et qu'est-ce qu'on me fera, si je refuse ?

“Personne ne vous fera rien. Sans doute, le Maître des Traditions sera-t-il choqué...

Julien leva les yeux au ciel : ça n'allait pas être une partie de plaisir.

“Écoutez Tannder, laissez-moi le temps de m'habituer. Je n'ai pas envie de me faire raser la tête ni de porter une robe de soirée. Vous pourriez me laissez porter la robe bleue des Bakhtars, non ? Vous pourriez dire que c'est pour honorer mon hôte, ou quelque chose comme ça.

Tannder réfléchit un instant puis déclara :

“Nous allons faire apporter un hatik semblable à celui que vous portiez lorsque...

“Oui ! Ça avait beaucoup d'allure. Merci Tannder.


Le hatik fut livré en un temps record qui en disait long sur l'intendance de la Tour. Julien put bientôt s'admirer : dans sa tunique vert sombre et son pantalon noir, il avait l'air d'un prince de contes de fées. Niil, malgré quelques réserves sur sa coupe de cheveux, était lui aussi manifestement satisfait du résultat.

“C'est vrai que ça te va mieux que le rose et or.

“Maintenant, annonça Tannder, il est temps que Votre Seigneurie se rende auprès de son hôte.

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