Chapitre 26


Reconnaissance


Ambar dormit jusque tard dans l'après-midi. Lorsqu'il s'éveilla, ce fut pour rencontrer le regard d'Askil, qui lui souriait

“Vous voici de retour parmi nous, Noble Fils. J'en suis plus heureux que je ne saurais le dire. J'ai bien cru vous avoir perdu. Mais tout est bien, maintenant. Quoique je préférerais que ce haptir ne vous serre pas d'aussi près.

Ambar se sentait frais, reposé, et il sourit à son tour avant de répondre :

“Askil, ne dites pas de mal de Xarax. Il pourrait vous entendre. Ne vous inquiétez pas, il ne me fera pas de mal. En plus, il paraît que c'est un ami de Julien. À propos, comment il va, Julien?

“Il semble aller bien, mais lui, il dort encore.

Ambar se leva d'un bond.

“Où il est ? Vous croyez que je peux aller le voir ?

“Oh, je crois que ça doit pouvoir se faire. Il est là, répondit Askil en désignant le lit à l'opposé du sien.

Ambar s'approcha. Julien, couché sur le côté, lui faisait face. Son teint naturellement pâle était devenu presque translucide et contrastait de manière impressionnante avec le cuivre sombre de ses cheveux. Quelques taches de son, de part et d'autre de son nez, se détachaient comme jamais et ses paupières avaient pris une teinte violacée. Un regard suffisait pour se rendre compte que le garçon était allé bien au-delà de ses forces.

“Les Maîtres de Santé le laissent comme ça ?

Ambar était scandalisé.

“Ils ont fait tout ce qu'ils pouvaient. Il allait beaucoup plus mal quand il est arrivé. Ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas lui redonner plus de forces pour le moment. Moi, je n'y connais pas grand chose, mais je sais qu'il faut un certain temps pour profiter des forces qu'on vous donne de cette façon. C'est un peu comme quand on mange, il faut le temps de digérer.

“Alors, là, Julien, il digère ?

“Je crois, oui.

“Et Niil, où il est ?

“Le Noble Fils Niil est actuellement au Conseil du Premier Sire. Il m'a demandé de l'avertir de votre réveil. Si vous n'avez pas besoin de moi immédiatement...

“Allez prévenir Niil, s'il vous plaît. Et demandez-lui quand il compte revenir et si je dois l'attendre pour manger. Je meurs de faim !

“Pour ça, je crois que l'Honorable Tannder va pouvoir vous venir en aide.

Le majordome, qui se tenait à portée de voix, apparut aussitôt. Il portait un plateau abondamment pourvu de choses délicieuses et nourrissantes.

“Noble Fils, il m'a semblé qu'un petit en-cas ne serait pas de trop à votre réveil. J'espère que mon choix vous...

“C'est parfait, Honorable. Mais je devrais peut-être attendre Niil et Julien...

“Ce n'est pas nécessaire. L'important est que vous repreniez vite des forces.

Tannder prit congé avec une petite inclinaison de la tête, laissant Ambar s'expliquer avec la nourriture et un grand pichet de raal frais.


Quelques minutes plus tard, Askil revint.

“Le conseil durera encore un bon moment, Noble Fils, mais votre Noble Frère assure qu'il sera bientôt libéré. Il vous prie d'avoir la bonté de ne pas vider toutes les réserves de la Tour et de vous souvenir de votre frère affamé. On ne lui a jusqu'ici offert que de l'eau. C'est la règle du Conseil.

“Et vous, Askil, vous voulez manger un morceau avec moi?

“Mon capitaine me ferait écorcher vif s'il me prenait à manger pendant mon service !

“Alors, si vous ne voulez pas manger avec moi, racontez-moi au moins ce qui s'est passé après qu'on ait disparu sur l'Aire du Palais.

Le visage du gardien s'assombrit soudain au souvenir de ses angoisses passées.

“Quand je vous ai vus disparaître, j'ai tout de suite su qu'il se passait quelque chose de vraiment grave. Un moment, j'ai pensé vous suivre, mais je me suis dit que ce n'était pas une bonne idée. Alors, j'ai fait ce qu'on ne doit faire qu'en cas d'extrême urgence : j'ai couru aussi vite que j'ai pu jusqu'à une maison où est caché un klirk du Premier Sire. Là, il y a toujours un Passeur. Jour et nuit. Ils se relaient. Je suis rentré à la Tour et j'ai prévenu le Premier Sire. J'étais certain qu'il m'enverrait immédiatement sur Tandil, pour avoir perdu ses hôtes, mais au lieu de ça, il m'a fait l'honneur de m'emmener avec lui pour vous secourir. L'Honorable Passeur Aïn nous a amenés directement au Palais et les gardes nous ont suivis sans même poser une question. À un moment, le Premier Sire s'est arrêté et a regardé un grand dessin sur le mur. Il a dit : ''Ils sont à la Rotonde Océane'' et il a commencé à courir. Mais, même en allant aussi vite que possible, on est quand même arrivés trop tard. D'ailleurs, je ne comprends toujours pas comment le Sire Niil a pu tenir tête à quatre adversaires de cette trempe. Je connais un peu les guerriers d'Yrcadia et ce ne sont pas des tendres. Quant à ce qu'à fait le Sire Julien... Je dirais que c'est impossible à moins d'être un Maître Sorcier. Et encore ! Vous avez là un drôle d'ami, Maître Ambar.

“Askil, je crois que Julien est encore plus étrange que vous ne pensez.

“Eh bien, Ambar, on s'apprête à dire du mal du Terrible Julien ?

La voix de Julien, depuis la chambre, avait retrouvé un semblant de fermeté. Il n'était sans doute pas au mieux de sa forme, mais ils semblait avoir récupéré un tant soit peu.


Tout d'abord surpris d'entendre celui qu'il croyait encore profondément endormi, Ambar se précipita à son chevet.

“Comment ça va ?

“Je vais bien. Je me sens encore un peu faible, mais j'ai une faim terrible.

“Alors viens manger avec moi, il y a tout ce qu'il faut et Askil ne veut pas me tenir compagnie.

“Et de plus, ajouta ce dernier, il faut que j'aille prévenir du réveil de Sire Julien.

Une fois Askil parti, Julien se leva. Ses jambes le portaient mal et il dut s'appuyer sur Ambar.

“Ambar, j'ai envie de pisser. Tu veux bien m'aider ?

Vu les familiarités du matin même, la question était purement rhétorique, mais Ambar eut une petite hésitation qui poussa Julien à ajouter :

“Je peux pisser tout seul, mais je ne voudrais pas m'écrouler dans les toilettes. Et puis, même si tu avais d'autres idées, je suis toujours le même Julien, tu sais. Je ne crois pas que ma queue soit devenue un serpent.

Ce n'était assurément pas un serpent, mais Ambar s'abstint tout de même de toute familiarité intempestive. Puis Julien se jeta sur la nourriture comme si sa vie en dépendait.


Après quelques minutes de gloutonnerie animale, il finit par relever la tête et, essuyant son menton dégoulinant de cette délicieuse sauce froide qui accompagnait les merveilleux petits beignets si croustillants, il fronça les sourcils et désigna le haptir, toujours endormi et sagement lové autour du cou d'Ambar.

“Xarax t'a pris comme perchoir ?

“Xarax, Haptir de Kretzlal, a fait l'honneur de demander sa protection, et aussi un peu de sa force, au Fils Quatrième des Ksantiris, fit-il avec un petit salut ironique. Puis il poursuivit avec un sourire penaud : qu'est-ce que j'ai eu peur quand il m'a sauté dessus ! Toi, tu dormais déjà, et si Niil ne m'avait pas tenu la main, je crois que je me serais pissé dessus ! Tu imagines, ce truc monstrueux qui t'arrive en pleine figure...

“Oui, j'imagine très bien.

“Oh ! C'est vrai qu'il t'a fait la même chose. C'était même pire, parce qu'on croyait vraiment qu'il t'attaquait.

“Mais j'ai l'impression que, quand on le connaît, c'est quelqu'un de très bien. Pas joli-joli, mais très bien. Il t'a parlé, à toi ?

“Non, sauf pour me demander la permission de s'installer. Il était très fatigué. Il s'est endormi tout de suite. Moi aussi d'ailleurs. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi il n'a pas choisi Niil. Pour le protéger, c'était quand même le plus indiqué, non ?

Julien réfléchit quelques instants.

“Je ne sais pas... Peut-être qu'il a reconnu en toi une grande noblesse de cœur, un courage infaillible et un dévouement sans borne et qu'il a décidé de s'en remettre à la garde de cet Ambar que tout le monde prend pour un petit garçon sans importance, mais qui est, en fait, un immense guerrier. On peut aussi imaginer qu'il a réfléchi un instant et qu'il s'est dit que Niil venait de prouver qu'il n'était pas n'importe qui non plus et que, s'il s'installait sur lui, ce brave Niil allait se mettre à dormir comme un bébé et ne servirait plus à grand chose. Il valait mieux choisir le petit frère, un garçon loyal et courageux, pour lui prendre l'énergie dont il avait besoin, et laisser au plus grand le soin de faire face au danger. Qu'est-ce que tu en penses ?

“Je pense que Xarax est au moins aussi malin que toi. Il a dû choisir la deuxième solution. Mais ça ne fait rien, maintenant que je l'ai autour du cou, je commence à bien l'aimer, même s'il est vraiment dangereux.

“Tu pourrais peut-être m'expliquer ça. Je me sens beaucoup mieux maintenant et je n'ai pas vraiment eu le temps de faire sa connaissance.

“Ben, c'est un haptir. Ils vivent sur le Monde de Kretzlal et tu as vu comme ils sont rapides. En plus, ils sont venimeux. Si jamais tu es mordu, tu meurs avant d'avoir fait trois pas. On raconte même que de les toucher seulement, ça suffit pour être empoisonné.

C'est complètement faux. Xarax n'a pas besoin de ça pour se défendre.

Ambar pâlit en entendant résonner la voix dans sa tête, puis son naturel reprit les dessus et il retrouva son sourire :

“Ça y est, il est réveillé ! Il m'a parlé !

“Je vois bien, il a les yeux grands ouverts et il me regarde.

Tannder, qui semblait toujours être à portée de voix, s'approcha doucement. Son attitude n'avait plus rien à voir avec celle d'un domestique et, si les enfants avaient eu l'expérience de Niil, ils auraient immédiatement reconnu dans sa façon de bouger l'Art Silencieux.

“Tannder, fit Ambar soudain mortellement sérieux, Xarax vous demande de rester où vous êtes et de ne plus bouger.

Tannder se figea instantanément. Ambar poursuivit, après avoir écouté quelques secondes :

“Il vous demande le nom de votre Maître et quelle est votre allé... allégeance ? Il dit aussi que si votre réponse ne lui plaît pas, vous allez mourir. Il dit qu'il sait qu'il mourra aussi, mais ça ne fait rien. Il attend.

Tannder eut un imperceptible sourire et prit le temps de respirer profondément avant de répondre :

“Habderim d'Aleth était mon Maître. Mon allégeance est à l'Empereur, et à lui seul.

“Xarax veut savoir pourquoi il ne vous a jamais vu.

“Mon Maître est mort lors du Grand Malheur. J'ai vu l'Empereur deux fois, un peu avant que... Mon Maître m'a parlé de vous, Xarax. Il vous connaissait bien et s'honorait de pouvoir vous approcher sans crainte. Il m'a légué un mot secret le jour où il a jugé que l'on pouvait me considérer à mon tour comme un Maître. C'est paraît-il la clé de votre bienveillance, sinon de votre amitié, Xarax.

“Xarax dit que c'est très intéressant, mais qu'il n'a pas de temps à perdre.

“Mon Maître m'a dit précisément : '' Si ta route croise un jour la route de Xarax, le Haptir, demande-lui de toucher ta main de sa langue et...''

“Xarax dit que vos routes sont entrain de se croiser, alors faites comme votre Maître vous a dit, et qu'on en finisse !

Tannder s'approcha d'Ambar et, avec une lenteur étudiée, tendit sa main gauche vers la tête du haptir. Ce dernier entrouvrit sa gueule, laissant voir au passage ses terribles dents effilées et posa sa langue bleue sur les doigts offerts.

“Saptor.

Le mot avait été murmuré et seul Ambar l'entendit en dehors de Xarax. Ce dernier, dont l'attitude avait jusqu'à ce moment exprimé la plus alerte vigilance, se détendit visiblement et enroula sa langue quelques instants autour de l'index de Tannder.

Honorable Maître Tannder, Xarax vous reconnaît pour un des siens. Xarax partage votre allégeance. Vous partagez l'allégeance de Xarax.

“Honorable Xarax, vous savez sans doute des choses qui m'échappent. J'espère que, lorsque viendra le moment, vous m'en ferez part afin qu'ensemble nous aidions à réparer ce qui fut brisé.

Le haptir avait lâché le doigt de Tannder, rompant ainsi le contact, et ce fut de nouveau Ambar qui servit de porte-parole :

“Xarax dit que tout viendra en son temps. Il dit qu'il est heureux que vous soyez ici et que vous devez continuer de veiller sur ceux qu'on vous a confiés. Ça veut dire nous, ça ?

Tannder hocha la tête :

“Vous, Ambar, et aussi Niil et … Julien.

L'infime hésitation n'avait pas échappé à Julien qui tourna vivement la tête et lui lança un regard aigu, comme s'il allait lui poser une question. Au lieu de quoi, il s'adressa à Ambar :

“J'ai l'impression que Xarax ne va pas bien, on dirait qu'il perd ses couleurs.

En effet, le haptir, normalement aussi coloré qu'un perroquet, avait pris une teinte grisâtre.

“Xarax dit que ça ne fait rien. Il dit que seul son ami peut lui donner sa nourriture, mais qu'il peut attendre encore un peu.

Julien s'adressa directement à Xarax :

“Xarax, cet ami qui peut te donner à manger, c'est moi ?

“Il dit que oui, mais que ça n'est pas important.

“Xarax, je ne me souviens pas vraiment de toi, mais si tu es mon ami, je ne veux pas te voir dépérir comme ça. Dis-moi ce que tu veux et j'irai te le chercher.

“Il dit que tu ne te rends pas compte, que tu ne comprends pas et que, de toute façon, tu es encore trop faible.

“Xarax, laisse-moi juger de ça par moi-même. Tu es venu au moment où j'avais besoin de toi. Je sais que c'est toi qui m'as permis de faire... ce que j'ai fait. Maintenant, je veux t'aider. Je vois bien que tu vas mal.

“Il dit que tant pis pour toi. Il n'a plus la force de se battre contre un imbécile sentimental. Il dit : attention, il va te sauter dessus.

Et, sans déployer ses ailes, le haptir bondit de l'épaule d'Ambar à celle de Julien.

Xarax est heureux de retrouver son ami. L'enfant est bien, très bien, mais Xarax préfère son ami.

“Merci Xarax. Maintenant, dis-moi ce dont tu as besoin et je t'assure que tu l'auras.

Mon ami ne se souvient pas. Il a oublié le Pacte. Ce ne serait pas bien que Xarax l'oblige à respecter quelque chose dont il ne se souvient pas.

“Xarax, je commence à bien t'aimer. Mais là, tu es en train de me rendre fou. Dis-moi une bonne fois ce que tu veux et qu'on en finisse !

C'est bien. Si c'est vraiment ce que veut son ami, Xarax va le faire.

“C'est vraiment ce que je veux.

Tu vas avoir mal, très mal. Tu vas devoir faire confiance à Xarax. Tu veux toujours ?

Julien avala sa salive :

“Je veux toujours. J'ai peur, mais je te fais confiance.

Tu laisses d'abord Xarax t'aider, parce que tu as oublié. Tu vas prendre le Yel... l'énergie autour de toi.

Julien sentit quelque chose basculer dans son esprit, un peu comme un interrupteur, et il vit soudain que l'air était rempli d'un fourmillement de points de lumière de toutes les couleurs. Puis, très rapidement, comme de la limaille de fer dans le champ d'un aimant, ces points formèrent des faisceaux qui semblaient se ruer vers sa poitrine, alors qu'il se sentait brusquement empli d'une excitation comme il n'en avait jamais connue, son sexe lui-même se tendit sous son laï, l'amenant immédiatement au bord de l'orgasme. Après quelques secondes, sa vision redevint normale, mais il se sentait chargé comme une pile électrique.

Maintenant, Xarax va manger. Tu dois dire : Xarax, prends ce que je te donne.

“Xarax, prends ce que je te donne !

Tu vas avoir mal. Pas longtemps. Il faut faire attention. Quand Xarax mange, il ne peut plus penser. Si tu ne l'arrêtes pas, Xarax peut te tuer. Prends un fruit dans ta main.

Julien se saisit d'une espèce de grosse pomme.

Quand il tombera, tu diras : ''Assez, Xarax''. Il faudra peut-être que tu répètes. Xarax s'arrêtera. Xarax peut manger maintenant ? Tu es sûr ?

“Oui.

Et sous le regard horrifié de Tannder et d'Ambar, Xarax planta fermement ses dents dans le cou de Julien qui ne put retenir un cri de souffrance. C'était comme si plusieurs frelons l'avait piqué en même temps et, durant le bref instant qu'il fallut à la salive du haptir pour neutraliser son terrible venin, il crut qu'il ne résisterait pas, que son cœur allait s'arrêter, mais la douleur passa, devint moins fulgurante et disparut complètement pour laisser place à une curieuse sensation. Il s'était évanoui, une fois, à l'infirmerie, et il avait senti ses membres s'engourdir, devenir pareils à du coton. C'était un peu la même chose, en beaucoup plus intense, et c'était infiniment plus désagréable.

Ni Tannder, ni Ambar n'osaient intervenir. Ils regardaient, à la fois écœurés et fascinés le haptir qui se gorgeait littéralement du sang de Julien. Ce dernier avait gardé les yeux grands ouverts et tenait dans une main crispée au bout de son bras tendu un fruit de garel qu'il paraissait vouloir écraser. Un filet de sang, échappant à la voracité du haptir, coulait doucement le long de son cou et venait imbiber le col de son laï bleu en une tache sombre qui s'élargit bientôt jusqu'à la taille d'une main.


Julien sentit que, malgré ses efforts pour le retenir, le fruit lui échappait et tombait sur le sol. Sa vision était brouillée et il avait froid.

“Assez, Xarax !

Aussitôt, l'horrible impression de se vider des toutes ses forces cessa. Xarax, quoiqu'il ait dit, avait veillé à ne pas se laisser complètement emporter dans son orgie et avait répondu à la première sollicitation.

Xarax te remercie. Il y a bien longtemps qu'il ne s'était nourri. Maintenant, Xarax va rêver un petit peu. Après, Xarax te parlera du Pacte.

“Dors, Xarax. Je crois que je vais avoir tout le temps d'écouter tes histoires. Fais de beaux rêves.

Julien pensait sortir épuisé de l'épreuve, mais il se sentait au contraire frais et reposé. Il avait même la conscience aiguë qu'il avait de nouveau une érection, ainsi qu'une furieuse envie de l'utiliser au plus tôt. Mais ce n'était peut-être pas le moment le mieux choisi pour faire une honnête proposition à Ambar.


Peu à peu, il reprit conscience de ce qui l'entourait et fut stupéfait de voir la tête horrifiée d'Ambar et, juste à côté de lui, Tannder à genoux et en larmes.

“Qu'est-ce qui vous prend ? Je ne suis pas mort !

“Le haptir, Xarax, il t'a mordu. Et puis il a...Je crois qu'il a bu ton sang.

Le gamin était si choqué qu'il avait du mal à aligner deux phrases.

“Oui, je crois bien que c'est ce qu'il a fait. Mais il avait ma permission. Puis, se tournant vers Tannder : et vous, Tannder, Qu'est-ce que vous avez ?

“Sire... Je...

“Ah non ! Vous n'allez pas vous y mettre aussi ! Relevez-vous et buvez un peu de raal pour vous remettre. Vous m'expliquerez après, s'il vous plaît.

Tannder s'exécuta. Lorsqu'il eut retrouvé un semblant de calme, il parla aussi posément qu'il le pouvait :

“Sire...

“Tannder, soyez gentil. Appelez-moi Julien, comme tout le monde, voulez-vous ? Autrement, j'ai l'impression que vous parlez à quelqu'un d'autre.

“S... Julien. J'en étais presque sûr, mais je ne pouvais pas y croire. Maintenant, j'en suis certain. Si... Julien, vous n'êtes pas un garçon ordinaire.

Julien, qui se sentait décidément en grande forme, était d'humeur joyeuse :

“Merci du compliment, c'est très gentil. Mais il n'y a pas de quoi se mettre dans un état pareil.

Mais Tanner semblait imperméable à l'humour.

“Julien, vous n'êtes pas ce que vous croyez être. Vous êtes Yulmir, l'Empereur du R'hinz. Mon Empereur.

“Euh... je suis flatté, mais j'ai peur que vous vous trompiez.

“Sire, très peu de gens le savent, mais dans les Neuf mondes, il n'y a qu'un seul haptir lié à un humain de cette façon : Xarax, le Haptir de l'Empereur.

“Ce Xarax ? Là, autour de mon cou ?

“Oui.

“Eh bien, on dirait que Xarax avait un ami, en plus de l'Empereur.

“C'est impossible. Si Xarax a bu votre sang, c'est que vous êtes l'Empereur.

“Vous oubliez tout de même un léger détail : il y a déjà un Empereur. Je suis sûr qu'il ne serait pas content que je lui fasse de la concurrence.

“Sire ! Il n'y a plus d'Empereur depuis près de treize cycles !

On entendit distinctement Ambar émettre un hoquet de surprise. Tannder reprit :

“Personne le sait, hormis les Miroirs de l'Empereur et quelques personnes de confiance. C'est le secret le mieux gardé de l'Univers connu.

“Quand même, ça ne prouve rien. Je vous assure que je n'ai rien d'un empereur. Si ma mère vous entendait, ça la ferait bien rire.

“Sire, dans tout l'univers il ne peut y avoir qu'une seule personne dont Xarax boirait le sang, et cette personne, c'est Yulmir, l'Empereur du R'hinz. Demandez-le lui vous-même lorsqu'il se réveillera. Tout le monde vous croyait disparu à jamais, Mais Xarax a toujours affirmé que vous vous étiez simplement éloigné de nous.

Cette fois, Julien ne trouva rien à répondre et un silence lourd de cogitations s'installa.


Ce fut Tannder qui, le premier, s'aventura à le rompre.

“Sire...

“Oui ?

“Puis-je aller informer le Premier Sire Aldegard ?

“Faites comme vous voulez Tannder. Vous n'avez pas de permission à me demander. Je ne me sens pas plus empereur que tout à l'heure, vous savez. Et je suis sûr que le Premier Sire sera d'accord avec moi.

“Bien, puisque j'ai votre permission, je vais lui rapporter ce que j'ai vu.

Sur quoi, Tannder quitta la pièce, laissant Julien et Ambar en un face à face embarrassé.


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