Chapitre 74


Préparatifs


Julien s'éveilla étrangement dispos. Le souvenir de la nuit était vif dans son esprit, mais complètement dépourvu de l'angoisse mortelle qui avait bien failli avoir raison de lui. Cependant, il ne commettait pas l'erreur de ne voir dans cet incident, comme un adulte l'aurait sans doute fait, qu'une crise passagère, due sans doute au surmenage. Il avait au contraire clairement conscience que la situation ne pouvait demeurer telle qu'elle était. Et tout d'abord, il devait comprendre pourquoi il ne s'était pas tout simplement écrasé au pied de la tour. Karik, le sentant réveillé, sortait du sommeil et il décida de résoudre l'énigme sans plus attendre.

“ Bonjour, tu as bien dormi ?”

“ Heu... Oui, merci. Et toi, ça va ?”

“ Je vais très bien, grâce à toi. Je te remercie de m'avoir empêché de sauter.”

“ Oh ! Ben... C'est normal. Quand on se réveille, comme ça, au milieu de la nuit, des fois, on n'est pas vraiment soi-même.”

“ Ça t'est déjà arrivé ?”

“ Oui. Souvent. Mais moi, je n'habitais pas en haut d'une tour. Et de toute façon Dehart m'enfermait pour la nuit.”

Julien médita un moment les implications de cet aveu, puis il poursuivit.

“ Comment est-ce que tu as su ? Qu'est-ce qui t'a réveillé ?”

“ Je ne sais pas. Tout d'un coup, je me suis retrouvé tout seul et je t'ai aperçu qui sortais de la chambre. Avec la tête que tu faisais hier soir, je me suis dit que tu avais sans doute besoin de compagnie. Et puis je t'ai vu sortir sur le balcon et je me suis approché. Et quand tu t'es assis sur la rambarde, j'ai tout de suite compris ce qui se passait. Même si je ne sais pas pourquoi tu voulais sauter.”

“ Maintenant, ça me paraît... pas ridicule, non, mais complètement idiot, ça oui.”

“ Dans ton cas, c'est vrai. Tu aurais fait de la peine à plein de gens qui t'aiment.”

“ Merci.”

“ C'est vrai.”

Et c'était certainement vrai, car les yeux gris sombre de Karik étaient remplis de larmes.

“ Je te demande pardon, je te promets de ne pas recommencer.”

“ C'était pas ta faute. Mais peut-être que si tu me disais pourquoi, je pourrais essayer de t'aider, non ?”

“ Merci, mais on va d'abord prendre le petit déjeuner.”

Julien n'était quand même pas prêt à s'épancher, même si Karik était certainement le mieux à même de le comprendre. Il se leva et après avoir effectué sa vidange du matin, il revint jeter un coup d'œil au lit de Dillik. Le gamin dormait encore. Xarax, par contre, était bien réveillé et Julien lui fit signe de le rejoindre alors qu'il s'asseyait à table.

“ Je suis content de voir que tu vas mieux. Tu m'as fait peur, cette nuit.

“ Tu sais ce qui s'est passé ?

“ Je sais toujours comment tu vas. Même quand je dors ou que je suis occupé à autre chose. J'ai écouté ta dispute avec Niil. C'est mon devoir de savoir ces choses. J'aurais pu t'éviter ce qui t'est arrivé cette nuit. J'aurais pu t'apaiser, te calmer. Mais je t'ai promis de ne pas manipuler ton esprit. Si je le faisais, tu t'en apercevais et tu ne ne me ferais plus confiance. Malgré tout, j'ai été surpris, je ne savais pas que tu étais aussi mal en point. Quand j'ai compris ce que tu allais faire, je me suis précipité sur le balcon. Mais Karik était là. C'est un bon garçon. Il t'aime beaucoup, tu sais. Il a fait ce qu'il fallait.

“ Toi aussi Xarax. Je te remercie. La prochaine fois que j'aurai l'air d'aller mal, tu peux me demander si je veux que tu m'aides. Je ne veux pas me faire manipuler, mais je n'ai rien contre un coup de main de temps en temps. Même si tu ne tripotes pas mes rouages, quelques mots de ta part me font toujours plaisir.

“ Tu parles à Xarax ?”

Dillik venait d'arriver, encore tout chiffonné de sommeil et se frottait les yeux à deux pas de la table.

“ Oui, mais j'ai fini, tu peux l'emmener avec toi sous la douche.”

Dillik éclata de rire :

“ Ça m'étonnerait qu'il me suive. Regarde il est tout bleu. Ça doit être la peur.”

Xarax bondit, toutes ailes déployées, sifflant comme une furie, en une imitation très convaincante d'attaque foudroyante, et l'impact amorti du haptir sur sa poitrine renversa Dillik sur le tapis. Les cris et les convulsions qui suivirent montrèrent que Xarax avait aussi développé un art diabolique des chatouilles. Comment il parvenait à chahuter ainsi sans jamais même égratigner la peau de sa victime était un vrai mystère. Le jeu cessa lorsque Dillik dut brutalement serrer son pénis pour éviter de mouiller le tapis et se précipita vers la salle d'eau. Cette gaîté innocente était comme un souffle frais qui dissipait les derniers vestiges des angoisses de la nuit. La douleur de Julien n'avait pas disparu pour autant, mais elle acceptait de rester tapie en un recoin de sa conscience pour le laisser libre d'agir comme si son univers ne s'était pas écroulé.


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“ Julien ! Quelle joie de te voir ! Tu te fais rare, ces jours-ci.”

L'accueil affectueux d'Ugo lui fit chaud au cœur. Et il se laissa aller à le gratter derrière les oreilles ainsi qu'il l'avait toujours fait.

“ Si tu étais moins fainéant, tu viendrais me voir de temps en temps. Ou bien, est-ce que Maître Subadar t'enferme ?”

“ Tu me vois me promener dans les couloirs de la Tour des Bakhtars ? Je ferais sensation !”

“ Demande à Aïn de te transporter dans mon clos. Je suis sûr qu'il ne demande pas mieux que de te rendre service.”

Maître Subadar entra dans la bibliothèque.

“ Bonjour, Sire. En fait, je n'enferme pas Yol, mais je suis quand même un peu responsable : nous passons beaucoup de temps ensemble et nous avons énormément de choses à nous dire. Mais, honnêtement, je ne serais pas fâché qu'il reprenne un peu de liberté. Je vais parler à Aïn. Il est certainement très occupé mais Wakhann, le jeune disciple qu'il a affecté au service de vos parents devrait avoir moins de travail maintenant qu'ils sont capables de soutenir une conversation en Tünnkeh.”

“ Eh bien, j'espère qu'il s'invitera de temps en temps chez moi et je serai heureux si vous l'accompagnez quand vous le pourrez.

“ Merci. Pouvons-nous commencer ?”

“ Bien sûr, mais je crois que Xarax connaît déjà la marche à suivre.”

“ En effet, mais il faut quand-même vous préparer à ce qui vous attend.”

“ J'ai déjà rencontré un Neh kyong, vous savez.”

“ Oui. Cependant il y a de grandes différences entre Tchenn Ril et les Neh kyongs que vous allez appeler.”

“ Les Neh kyongs ? Je croyais qu'il n'en fallait qu'un seul.”

“ Il n'en faut qu'un seul, mais comme vous ne savez pas à qui vous devez vous adresser, vous allez devoir en quelque sorte lancer un appel à la cantonade. Il est à peu près certain que plusieurs entités vont se présenter.”

“ Pas seulement des Neh kyongs ?”

“ Hélas, non. Normalement, votre appel ne s'adresse qu'à eux, mais on ne peut éviter d'être aussi entendu par d'autres choses. Mais si vous suivez la procédure, rien ne peut vous nuire vraiment.”

“ Qu'est-ce que vous entendez par pas vraiment ?”

“ Certains tenteront certainement d'entrer dans votre esprit. Je vous recommande de ne pas les laisser faire.”

“ Croyez-moi, il n'y a pas de danger.”

“ Ce n'est pas si sûr. Voyez-vous, ces entités peuvent fort bien tenter de vous séduire, de se présenter à vous sous des apparences familières ou extrêmement plaisantes. On vous présentera des visions, ou des sensations particulièrement convaincantes. Si vous cédez, vous risquez de ne pas vouloir quitter l'Inter-monde avant d'y avoir passé un temps considérable et perdu beaucoup de votre énergie vitale.”

“ Mais Xarax pourra m'avertir, non ? Je suis sûr qu'il pourrait même m'empêcher de me laisser tenter.”

“ Xarax ne sera pas avec vous.”

“ Mais, il ne doit pas m'accompagner ?”

“ Il vous accompagnera et vous assistera pour tout le processus qui permet d'atteindre l'Inter-monde, mais il ne peut pas vous y suivre. C'est un passage pour un seul.”

“ Si je comprends bien, je risque de me retrouver coincé là-bas pour toujours.”

“ Pour toujours, certainement pas. Mais pour un ou deux jours durant lesquels vous n'absorberiez rien. La déshydratation est le principal danger. On risque d'être vraiment très affaibli avant de s'apercevoir de son état et il est alors très difficile de rentrer.”

“ Il arrive que quelqu'un ne revienne pas ? ”

“ C'est arrivé assez souvent, il y a très longtemps, alors que l'accès au Savoir permettant d'entrer dans l'Inter-monde était plus facile. Mais il y a plusieurs siècles que cela ne s'est pas produit. Seuls les meilleurs parmi les Maîtres des Arts Majeurs sont autorisés à tenter l'expérience.”

“ Vous me rassurez. Et, à part les espèces de sirènes dont vous parlez, qu'est-ce qu'il y a d'autre ?”

“ On ne le sait pas précisément, ce n'est pas un domaine qu'on peut explorer à loisir, mais certains de ses habitants sont particulièrement hostiles. Du moins, c'est ainsi que nous les percevons. Mais vous en serez protégé tant que vous ne laisserez pas la peur vous submerger. C'est un peu comme dans l'En-dehors. Vous connaissez déjà, et ce n'est pas si terrible.”

“ Merci, Subadar, vous me rassurez vraiment. C'est vrai, après tout, il a seulement fallu à Xarax une éternité et demie pour me convaincre de garder mon esprit ouvert dans cette horreur.”

“ Vous vous sous-estimez, Sire. Vous allez faire quelques incursions dans l'Inter-monde sans lancer d'appel et vous pourrez vous habituer à ce qu'on pourrait appeler l'ambiance particulière qui y règne.”

“ Je me demande si c'est vraiment une bonne chose de se précipiter comme ça. Après tout, il n'y a pas urgence. Ce fichu entrepôt est là depuis des siècles, il ne va pas s'envoler. En plus, il paraît qu'il est presque impossible à atteindre à pied. Il ne fait de mal à personne. Avec un minimum de surveillance, on pourrait empêcher les imbéciles de s'en approcher. Ça me laisserait du temps pour m’entraîner. Une petite trentaine d'années, ça me paraîtrait convenable.”

Subadar sourit, malgré la gravité de la situation. Mais il reprit bien vite son air le plus sérieux pour annoncer :

“ Ce que vous dite serait parfaitement réalisable si la malfaisance de Nandak n'avait déjà fait son œuvre. Lorsqu'il a manipulé, avec ses complices, les appareils et les conteneurs, il a ouvert des cuves où étaient entreposées des substances qui, en plus de dégager Tchiwa Nag Zer, la Lumière de Mort, émettent un gaz subtil, détectable seulement avec les instruments les plus sophistiqués et tout aussi mortel. Par chance, si l'on peut dire, l'endroit se situe dans une sorte de cirque naturel et le gaz ne s'échappe pas en grandes quantités et reste relativement confiné à cet endroit. Mais cela ne durera pas, un jour, la vallée entière sera remplie et les vents emporteront cette atmosphère empoisonnée vers l'extérieur et il est impossible de prévoir ce qui arrivera. De nombreux lieux habités se trouvent suffisamment près pour être directement contaminés. Il faut mettre un terme à cette folie le plus rapidement possible.”

“ Je vois. Et, pardonnez-moi si je m'inquiète pour des broutilles mais, si je comprends bien, vous avez l'intention de m'envoyer faire une promenade en plein sur un site atomique contaminé. Chez moi, on appelle ça une mission-suicide. Remarquez, en ce moment... ce serait plutôt la mode.”

“ Non, Sire ! Absolument pas ! Pour quelle sorte de monstre me prenez-vous ?”

“ Ne vous fâchez pas, Subadar. Je me renseigne, simplement.”

“ Vous aurez un équipement de protection complet. À la fois pour Tchiwa Nag Zer, la Lumière Noire de Mort et Tchiwa Lung, le Vent de mort. Les réserves du Palais en conservent plusieurs exemplaires en parfait état.”

“ C'est au moins ça. Mais ça ne va pas me faciliter la tâche s'il faut que je me promène dans l'Inter-monde avec tout un attirail. Je ne pourrais pas contacter le Neh kyong depuis un autre endroit ? Après tout, si ça ressemble à l'En-Dehors, l'espace n'a pas vraiment de sens précis.”

“ L'Inter-monde n'est pas l'En-Dehors. En fait, les Neh kyongs, comme leur nom de ''Gardiens des lieux'' le suggère, sont extrêmement sensibles à la localisation des choses. C'est pour cela qu'ils ne peuvent agir sur la réalité physique d'un monde que dans des limites bien précises. Si vous voulez qu'un Neh kyong prenne possession d'un lieu, vous devez l'y amener exactement.”

“ Bon, je ne peux pas dire que ça m'enchante, mais je crois qu'on va faire comme vous dites. Mettons-nous au travail.”

“ Il faut nous rendre dans la Chambre-ailleurs, Sire.”

“ Xarax vient avec nous ?”

“ Naturellement, Sire.”

“ Je vous en prie, Subadar, cessez de m'appeler Sire toutes les trois phrases. Appelez-moi Julien, comme mes amis. En ce moment, je n'ai pas tellement de plaisir à m'entendre rappeler à tout bout de champ que je suis l'Empereur, ça me donne plutôt l'impression d'être le Roi des imbéciles.”

“ Soit, Julien. Voulez-vous prendre ma main, s'il vous plaît ?”

Avant qu'ils ne marchent sur le klirk scellé dans l'angle de la salle, Julien eut le temps de faire un petit salut de la main à Ugo. Puis ils furent dans le vide bleu de la Chambre-ailleurs.


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Chapitre 75


Slithy toves and borogoves


Malgré l'urgence de la situation, il n'était pas question de négliger la préparation et celle-ci dura onze jours. Onze jours épuisants durant lesquels Julien dut apprendre à maîtriser des actions complexes qui faisaient appel a des facultés dont il avait jusqu'ici ignoré l'existence. Ainsi, pour ''stabiliser la Base de Réalité'', il lui fallait ''ralentir l'Analyse Conceptuelle'', ''déployer la Vision Limpide et Lumineuse'' et ''s'établir dans le Flot Continu du Non-temps''. En dehors du côté ''chasse au snark'' du vocabulaire, les actions elles-mêmes auraient été totalement hors de la portée de son esprit dépourvu d'entraînement sans l'aide effective de Xarax. Julien, comme il l'avait fait malgré lui dans l'En-Dehors, lui offrit un accès total à son esprit et se laissa guider par le haptir dont la patience illimitée et la minutie sans distraction faisaient merveille.

Maître Subadar avait beau lui répéter qu'il avait déjà pratiqué tout cela, Julien avait la plupart du temps l'impression de n'arriver à rien. Souvent, il ne comprenait même pas ce qu'on attendait de lui et, lorsqu'il y était enfin parvenu avec l'aide de Xarax, il quittait la Chambre-ailleurs avec la certitude qu'il serait incapable de recommencer sans aide. Quant à se livrer à ces exercices de maîtrise du temps, le l'espace et de la réalité, perdu au sein d'un monde incertain et entouré de créatures plus ou moins hostiles, c'était tout simplement hors de question.

Lorsqu'il rentrait de ces journées profondément décourageantes, il avait parfois du mal à dissimuler sa fatigue et son inquiétude. De plus, Dillik commençait à se douter fortement que quelque chose avait mal tourné entre Niil et Julien et il souffrait d'autant plus, en ces jours de tension, d'être privé de la compagnie joyeuse d'Ambar. Passant outre aux injonctions de Karik, il se hasarda, le onzième soir, un peu avant le souper, à évoquer le sujet :

“ Julien, quand est-ce qu'il reviendra, Ambar ?”

Julien était trop fatigué pour avoir encore l'agilité d'esprit nécessaire à un subtil changement de sujet.

“ Ça ne dépend pas de moi, tu sais.”

“ Mais, tu es l'Empereur. Tu n'as qu'a demander qu'il revienne.”

“ Ça ne se passe pas comme ça. Ambar est un Ksantiri. Il obéit à son frère, qui est le Premier Sire des Ksantiris.”

“ Mais, pourquoi Niil il le laisse pas revenir ? Je suis sûr qu'Ambar lui a déjà demandé.”

“ J'en suis sûr aussi, mais il a sans doute de bonnes raisons.”

“ Moi, je crois que c'est parce que vous vous êtes disputés.”

“ Tiens donc ! Et qu'est-ce qui te fait croire ça ?”

“ Depuis le procès de Nandak, t'es plus pareil. Ça se voit, tu sais. Même quand tu fais semblant de t'amuser. Et de toute façon, maintenant, tu fais même plus semblant, alors...”

“ Dillik, ça n'est pas aussi simple...”

“ Évidemment, c'est pas simple ! Tu travailles tout le temps et t'es de plus en plus fatigué. Je sais pas ce que tu fais, mais je sais que ça te fait pas du bien. Et Xarax, là, il me dit de me taire, alors je me tais. Mais quand même...”

“ Xarax, laisse-le dire ce qu'il a sur le cœur.”

Le haptir, lové à son habitude sur les genoux de son jeune ami, eut un frémissement qui évoquait de manière frappante un haussement d'épaules.

“ Moi, je pense que c'est pas juste. Déjà, Niil, il devrait t'aider, au lieu de te faire des ennuis. Parce que je sais pas vraiment ce que tu fais, toute la journée, mais c'est certainement pas pour t'amuser. Et si c'est pas pour t'amuser, c'est pour faire ton travail d'Empereur. Et le travail de l'Empereur, c'est de ''préserver du mal les Neuf Mondes''. Et Dvârinn, c'est un des Neuf Mondes. Mais à part ça, moi je trouve que même si vous êtes fâchés et que vous voulez plus vous parler, y a pas de raison pour qu'on voie plus Ambar. Ambar, c'est ton ami et puis, moi aussi, je l'aime bien. Et puis, quand je pense qu'il est tout seul là-bas, sans nous. Je trouve que c'est pas juste. Voilà.”

“ Si tu veux aller lui rendre visite, c'est facile, tu n'as qu'à demander, les Passeurs t'emmèneront sur le Trankenn des Ksantiris. Je suis certain qu'Ambar sera content de te voir et que Niil ne t'en empêchera pas. Karik pourra même aller avec toi s'il en a envie. Vous pouvez rester quelques jours et...”

“ Tu nous prends pour qui ?! On va pas te laisser tout seul ! Hein, Karik ? Si on va voir Ambar, on reviendra pour le soir.”

“ Ça risque de ne pas être facile, ce ne sera pas la même heure ici et sur le trankenn.”

“ On s'en fiche ! Et Ambar, il sera content de nous voir, même si c'est que cinq minutes en pleine nuit.”

“ Dans ce cas, je n'ai plus rien à dire. Je crois que c'est une bonne idée. Embrassez Ambar pour moi.”

D'un commun accord Karik et Dillik avaient décidé que Julien ne pouvait aller au lit sans au moins deux amis pour l'accompagner de leur affection et, lorsqu'il fit mine de protester, on lui répliqua qu'il serait vraiment sans cœur de priver ses amis du plaisir de s'endormir en sa compagnie. Il n'était pas dupe, mais il consentit volontiers à les laisser l'entourer gentiment. Ce n'était certes pas la solution à tous ses problèmes, mais cela lui assurait tout-de-même des nuits de vrai sommeil reposant.


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